Le 29 mai - Nouail -


dernier petit déjeuner dans le désert

Réveil matinal après cette dernière nuit dans le désert. A 5 heures, Monique s’assure que chacun est levé. Il fait déjà jour et nous assistons à un magnifique lever de soleil, avant un petit déjeuner servi à l’extérieur : thé, café et ce merveilleux pain des sables tout chaud, préparé depuis deux heures. De quoi prendre des forces pour la marche de retour qui nous attend. Cette fois-ci, les caravaniers sont plus nombreux à repartir en jeep, mais il reste une belle équipe de marcheurs et méharistes. Tout ceux qui le souhaitaient auront pu faire un bout de chemin à dos de dromadaire, expérience de ce doux bercement.  La journée s’annonce magnifique et le désert nous offre encore de nouvelles teintes au cours de cette progression qui durera 2h30. Cette fois, le soleil progresse vers le zénith offrant une atmosphère de plus en plus chaude. La beauté est telle, chacun profite de ces derniers moments de silence avant de rejoindre l’agitation urbaine. 

La caravane s'apprête à quitter le désertEffectivement, la transition est très courte… Après quelques kilomètres en bus, c’est la vocifération de la sono de la Maison des Jeunes de Nouel qui nous accueille. Ce matin, trois structures des villages alentours sont regroupées : un jardin d’enfants, une association en faveur de jeunes sourds, une autre pour les polyhandicapés, sans compter l’association ‘Les cœurs qui battent pour la vie’ qui a organisé l’événement.

Des jeunes sont en plein atelier de coiffure, de fabrication de chaussures, de tatouage au henné, d’informatique. Nous profitons d’un bon temps d’échange avant le concert de Cathy. La place prévue pour le concert est difficile d’accès et trop ensoleillée pour que les petits du jardin d’enfants puissent y venir à cette heure où le soleil est au zénith. Le piano est donc mis sur chant pour être installé dans la grande salle de la Maison des Jeunes. Les clowns font patienter les petits, puis le concert commence.

Jaqueline improvise un atelier peintureDans une salle mitoyenne, Jacqueline met en place un atelier de peinture sur le thème de la paix et de l’amour. Les dessins sont tout de suite affichés au mur qui se colore très vite, magnifique.

Christine accroche les dessins des enfantsAprès le concert, le déjeuner est servi par les jeunes ‘cœurs qui battent pour la vie’ qui ont  cuisiné ce qu’il restait de notre campement dans le désert. Nous regrettons juste qu’ils ne partagent pas notre repas.

Après cet excellent repas où, encore une fois, les végétariens et régimes spéciaux ont bien été pris en compte, nous prenons la direction de Douz, avec une pause en cours de route pour récupérer les valises laissées pendant notre séjour dans le désert, ainsi que les 42 kg de dattes que nous avons commandé, chacun souhaitant ramener un ou deux kilos dans ses valises. Elles sont si bonnes et nous avons appris qu’il en existe 1000 variétés.

Nous avons la joie de retrouver Isabelle à Douz, alors que Nabil nous quitte ; nous poursuivons par deux heures de route dans des paysages époustouflants jusqu’à Matmata.

Aujourd’hui, en quittant les dunes de sable fin, nous avons retrouvé les palmiers, puis de nouveau un paysage aride, aux étonnantes formes d’érosion, paradis pour les géomorphologues ; ces petites montagnes offrent un site idéal pour les maisons troglodytes que l’on observe ci et là. Nous voici ce soir dans un environnement aux couleurs contrastées : bleu du ciel éclatant, ocre des versants parsemés de buissons et ponctués de terrasses verdoyantes ou de plateaux arborés d’oliviers. Les trois couleurs du drapeau berbère continuent de nous accompagner : bleu de la mer, vert du Nord tunisien, jaune du désert.

Quelle richesse de paysages dans ce petit pays !

Nous arrivons à l’hôtel à l’heure où le soleil donne d’apaisantes notes chaudes, accentuant les reliefs par un jeu d’ombre et de lumière.

Le désert à Matmata

Ce soir l’hôtel est luxueux et son environnement fascinant. La douche est bienvenue après trois jours de désert et de sable. Après un magnifique buffet, petite réunion pour un retour sur la journée, connaître le programme du lendemain et bien prendre conscience du contexte local dans ce Sud tunisien plus sensible.

La nuit est bien réparatrice dans ce havre de paix.

Retour à Nouail

Une Maison de la Culture pleine à craquer de jeunes, des sourds muets, des handicapés dont l’association ‘Des cœurs qui battent pour la vie’ s’occupe.

Véronique et Soizic captivent les enfants

Au détour de mon arrivée je rencontre un homme, calme, au regard clair et profond à la fois, Ben Abdallah Kalini, il cultive selon la méthode biodynamique et me remet un texte inspiré * : « Chacun de nous forme un monde qui se diffère partiellement de l’autre. Chacun de nous porte en lui quelque chose qui peut enrichir l’autre. L’important est de s’accueillir réciproquement …. »

Je retrouve dans ces mots Pierre Rabhi, Marc, et bien d’autres. Il connait, bien sûr, Pierre dans ses écrits, je lui promets d’envoyer son texte à Pierre en lui précisant que je suis son ami. En échange de son texte je lui offre mon livre ‘Le mouton, oui ou non… », je l’avais sans doute apporté pour lui.


Je rentre dans la maison et découvre les jeunes enfants assis en pleine animation avec Véronique et Soizic. Les yeux, les yeux,  je suis subjugué par leurs yeux, la découverte, l’étonnement, une attention fidèle, ces enfants sont beaux dans leur élan naturel, d’autres plus craintifs vérifient si la Maman est d’accord pour qu’ils chantent ou battent des mains. Malgré la fatigue, je rencontre les regards, les mamans pouffent de rire, les jeunes se sentent interpellés et battent des mains.

duoLa fête se poursuit,  Jacqueline a sorti ses pinceaux et ses couleurs. Un atelier s’improvise, les enfants sont silencieux et concentrés, bientôt les murs seront couverts de joie colorée pour figurer la Paix.

Le piano doit être installé. Je sors et une volée d’une quinzaine de jeunes m’entoure. C’est à qui posera sa question, une cacophonie, impossible de s’entendre. Je les invite au silence. Une tentative impossible ? Presque. Il faut reconnaitre que les élans sont rarement silencieux. Souvent c’est l’exultation, les cris, les rires… Peut-être comme trop souvent pour cacher nos émotions, nos larmes… de joie !

La ronde des enfantsRetour dans la salle, je retrouve Ben Abdallah toujours aussi beau, bien enraciné sur ses pieds, le regard droit sur chacun et à l’infini à la fois. Le jeune Ahmad est là aussi et je l’invite à rencontrer Ben Abdallah, nous y allons. Un temps d’écoute et de partage et remise du texte inspiré, ils se reverront.

Nous terminerons ce temps intense devant le piano.  Il répand ses notes délicates pour les enfants. Leurs yeux plein d’envie les entrainent à s’aligner pour jouer avec Cathy. C’est toujours le même bonheur pour l’enfant, le doigt posé et l’étonnement de la note, comme un oiseau qui s’envolerait dans le ciel, pour les plus hardis c’est le chant du ruisseau ou le grelot frémissant de la fontaine… de toute manière une Paix qui s’évapore en envol de colombes.

Remise de diplômes

La fête est bientôt finie et les caravaniers dans un au revoir des mains légères quittent ce lieu le cœur empli de rencontres tendres et les yeux éblouis de soleils en réserve pour les nuits sans lune.

Claude

Rencontre avec Ahmed à Naouail

Après le concert, Ahmed s’approche de Monique et moi et vient nous parler et nous remercier pour la démarche de la Caravane amoureuse. Il a bientôt 17 ans, le regard vif et éclairé. Il fait partie de l’association « Impulsion de vie ». Nous parlons. Il explique qu’il est encore au lycée et qu’il prépare activement son futur. Il parle le français et l’anglais parfaitement et est en train d’apprendre l’allemand. Il est très engagé pour la citoyenneté et pour l’avenir de son pays. Il souhaite dit-il, participer à changer les mentalités, abolir certaines croyances et préjugés. Il est déterminé et se sent pleinement responsable de sa vie.  Il a déjà imaginé plusieurs plans d’avenir et me dit : « Je prévois A, B, C, si A marche pas, je prends B, si B marche pas, je prends C, eh oui c’est comme ça, c’est important ». Il anticipe. Il est impressionnant de lucidité. Il m’apparaît plus adulte que beaucoup d’adultes. C’est un exemple d’une jeunesse active et pleine d’espoir qui fonde la Tunisie et le monde de demain. Merci Ahmed.

Cathy

La symphonie de la vie en agriculture biodynamique

Texte de Ben Adballah Kilani, agriculteur Biodynamique de Nouail.

Chacun de nous forme un monde qui diffère partiellement de l’autre. Chacun de nous porte en lui quelque chose qui peut enrichir l’autre. L’important est de s’accueillir réciproquement. C’est ainsi qu’avaient été mes sentiments en pénétrant dans le monde de l’Agriculture BioDynamique (Agri BD) dans les  années 90, des sentiments mêlés de douleur et d’espoir. Une douleur du fait que le monde actuel subit un changement aigu dont l’allure générale est l’absence des êtres qui étaient un jour très proches de moi et qui partagent avec moi le temps et l’espace : la gazelle, le lièvre, le retem… Un espoir du fait que le type d’agriculture que je pratique améliore en moi le sentiment d’en refaire quelques images. Mais avec beaucoup de patience et de compréhension, on peut s’apercevoir que l’Univers forme une unité homogène et compacte et non des particules différentes et opposées.  C’est un univers dont la Paix lie solidement ses composants. On ne pense guère à la peur, on ne craint jamais le  loup puisque le berger est attentif et éveillé. Alors, comment voit-on cet éveil ?

Ce pâtre comprend les besoins du loup et les besoins de son troupeau. Pareillement, chacun de nous a besoin de la vie, une vie où l’individu fait bien son rôle en complémentarité avec les autres, cette idée facilite la vie et la rend simple.

Le plus simple est le plus beau, n’est-ce-pas ?

Regardons tout autour de nous.

Regardons ces êtres qui vivent avec une soumission imperturbable aux lois de l’univers et qui conservent leur comportement et leur stabilité.

Prenons l’exemple de la fourmi, de la coccinelle et du puceron qui forment avec les feuilles des plantes une symbiose leur offrant à chacun ses besoins.

Une chaîne alimentaire constante n’est modifiable que par l’intervention de l’homme qui sème le trouble et les anomalies dans le corps solide et homogène de la nature. Cet homme qui doit s’apercevoir de ce phénomène et en tirer le profit. Ce phénomène n’est qu’un signal de vie dont je n’ai le droit d’arrêter son mouvement puisqu’il s’accomplit dans l’éthique de l’intérêt général de tous les êtres.

C’est alors que j’ai compris que lorsque je m’engage dans ce modèle de culture, je suis en train de travailler parmi l’intérêt général de l’Univers.

Peut-être, en touchant un rocher solide et impénétrable transformé en poudre que j’enterre dans une corne de vache durant six mois. Ce même rocher qui reçoit l’énergie de la terre issue de l’énergie du ciel, puis retiré pour être mélangé avec de l’eau que j’agite bien pendant une heure entière. Je le charge ensuite d’énergie et je l’offre à ma ferme avec beaucoup d’amour.

Certes, ça c’est la symphonie de la vie en agri BD. C’est l’adéquation entre le ciel comme étant un monde vaste plein de planètes, d’étoiles et de galaxies et le ventre de la terre comme étant receveur de cette énergie. Ce phénomène m’a agrandi l’idée suivante : comme on a tort de classer les êtres en ‘êtres vivants et non vivants’ et de dire que les sentiments sont uniquement propres aux êtres humains.  Alors, tout être vit à sa façon et les plantes peuvent être plus tendres et fines que nous.

J’ai décidé avec insistance de préparer le compost avec mes propres mains et de le surveiller sans modifier ni troubler son système.

Ce qui est demandé c’est d’être solidaire et en adéquation avec ce monde et tout ce qu’il contient pour y vivre en paix avec les êtres qui travaillent mélodieusement dans un système bien mesuré.

 


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